Un rendez-vous sous la chaleur rabataise
Le lundi 28 avril, la capitale marocaine a accueilli les ministres du nouvel Alliance des États du Sahel pour signer un document qui, en trois volets, promet de :
- garantir aux produits sahéliens des postes d’amarrage dédiés dans deux ports atlantiques ;
- créer un guichet unique douanier pour réduire les files et les paiements parallèles ;
- coordonner sécurité routière et escortes militaires sur le trajet transsaharien.
Dans la salle, la température frisait les 30 °C, mais les négociateurs gardaient la veste : ils mesuraient l’enjeu politique autant qu’économique. Le soir même, les téléphones des grossistes de Niamey s’embrasaient : « Le temps de route va enfin raccourcir », promettait un message circulant de groupe en groupe.
Ce que la décision change dès aujourd’hui
Trois effets palpables s’annoncent, repérés dès ce mardi par les transporteurs :
- Délais de livraison raccourcis
- Entre Cotonou et Niamey, un conteneur mettait en moyenne quinze jours.
- Le nouvel itinéraire via Tanger-Med devrait abaisser ce délai à dix jours, en dépit d’une distance physique plus longue, grâce à moins d’arrêts forcés et à un trafic portuaire mieux fluidifié.
- Coûts logistiques allégés
- Jusqu’ici, on évaluait le transport d’une tonne de marchandise autour de 95 dollars.
- Les premiers chiffrages laissent espérer une note proche de 90 dollars, les postes de contrôle illicites représentant la plus grosse économie.
- Pression à la baisse sur les prix alimentaires
- Riz, huile, sucre : ces produits passent par la mer.
- Si le carburant dépensé chute de 20 % et que les « taxes de route » tombent sous la barre des 10 %, l’impact se répercutera sur la balance du marché de Katako.
Des voix de Niamey entre espoir et prudence
Dans le vacarme de la gare routière, Harouna, chauffeur de poids lourd, jubile : « Plus d’arrêts bidon, ça veut dire moins de bakchichs ! » Mais sa collègue Aïssa, qui conduit sur la ligne Agadez-Tamanrasset, nuance : « Il faut encore sécuriser le passage saharien ; si les pick-up des bandits bloquent la piste, on perdra les gains. »
- Les syndicats de transport saluent tout de même une alternative concrète alors que les livraisons d’électricité nigérianes, déjà réduites, pèsent sur les ateliers de soudure et les petits moulins.
- Plusieurs ONG rappellent qu’un attentat meurtrier survenu la veille au nord-est du Nigeria rappelle la fragilité de la zone ; la vigilance restera donc de mise tout au long du « corridor sahélien ».
Quand les chiffres montent dans la benne du camion
Sans dresser un tableau compliqué, voici ce que les commerçants retiennent :
- 5 jours gagnés entre le port et Niamey, soit autant de journées de location d’engins et d’hôtels économisées.
- 50 litres de gasoil en moins sur un trajet moyen grâce à la disparition des retours forcés au poste frontière.
- Jusqu’à 8 % du prix de gros d’un sac de sucre économisé en frais d’escorte non officiels.
- Plus de 2 000 tonnes de marchandises pourraient transiter par l’Atlantique dès le premier convoi test annoncé pour la semaine prochaine.
Des chiffres modestes à l’échelle mondiale, mais colossaux pour le budget d’un détaillant de céréales de Maradi : sur un camion de 30 tonnes, chaque réduction de 5 % représente un mois de salaire d’un apprenti.
Et maintenant ?
Les trois États sahéliens ont trente jours pour préciser les tracés routiers et ferroviaires qui mèneront, côté nord, jusqu’aux portes de la Mauritanie et de l’Algérie. À Niamey, une commission mixte “infrastructures et sécurité” se réunit dès la mi-mai ; elle devra chiffrer la réhabilitation de ponts, la pose de balises GPS et l’installation de relais mobiles pour les secours. Les autorités assurent que les premiers camions sous pavillon nigérien quitteront Tanger-Med « avant la saison des pluies », un délai ambitieux qui fait sourire les vieux routiers mais nourrit l’optimisme de la cheffe de coopérative Zainab : « Si nos oignons arrivent encore frais, c’est toute notre ville qui respire. »
Au soleil couchant, sur le goudron chaud de la route de Tillabéri, un vendeur d’eau glacée résume l’humeur générale : « La mer, c’était loin ; avec ce couloir, elle vient à nous. » Une phrase lancée comme une gorgée d’espoir, qui roule déjà plus vite que n’importe quel camion.
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