Nollywood Week Paris 2025 met le cinéma africain à portée de main

Fairfair, Journaliste
7 May. 2025
Hier soir, à 20 h pile, les lumières du cinéma l’Arlequin, rue de Rennes à Paris, se sont éteintes : la file d’attente débordait encore sur le trottoir quand l’écran s’est allumé, marquant l’ouverture de la Nollywood Week Paris 2025. Les billets étudiants à 5 € étaient déjà écoulés depuis midi, preuve que l’événement, lancé il y a douze ans, est désormais dans la routine culturelle des diasporas ouest‑africaines. À Niamey, les groupes WhatsApp de cinéphiles suivaient la soirée presque en direct, impatients de découvrir les films dès qu’ils seront disponibles en ligne.

Au cœur de l’ouverture

Le festival a démarré sur “The Legend of the Vagabond Queen of Lagos”, un thriller social de 1 h 40 ovationné avant même le générique final. Dans le hall, Onome, étudiante nigérienne en cinéma à Paris III, confiait : « Je veux voir des héroïnes qui nous ressemblent : pas de pouvoir magique, juste de la débrouille, comme à Yantala ». Son accent chaud a fait sourire les bénévoles, ravis de l’entendre parler de sa ville natale au cœur d’un festival parisien.

Le pouvoir des histoires partagées

Programmé sous le thème « Le pouvoir des histoires », le festival réunit cette année huit nationalités africaines et diasporiques. Entre deux projections, les spectateurs passent du drame psychologique Blackout au récit doux‑amer After 30, surnommé par certains « le Sex and the City nigérian ». Les débats d’après‑séance, menés en français et en anglais, permettent à des publics très différents de confronter leurs points de vue : un routier ivoirien en pause à Paris discute techniques de cadrage avec une libraire béninoise ; un lycéen malien découvre qu’une B.O. peut mêler kora et synthé dub.

Ce que ça change à Niamey

Pourquoi un festival parisien intéresse‑t‑il les familles de Niamey ? Parce qu’au même moment, la salle polyvalente du Centre culturel franco‑nigérien bloque déjà des soirées pour diffuser les copies numériques dès la clôture. Dans les petites boutiques de location de DVD du quartier Yantala‑Bas, Aliou prévoit d’ajouter After 30 et Soft Love à son catalogue pour répondre à la demande des jeunes femmes qui cherchent des histoires où elles se reconnaissent.

  • Ce que les familles gagnent dès cette semaine :
    • Des films sous‑titrés en français disponibles en streaming légal dès le 12 mai.
    • Des sujets ancrés dans la vie quotidienne : scolarisation des filles, santé maternelle, micro‑entreprises de quartier.
    • Des tarifs pensés pour le Sahel : un festival pass numérique coûtera moins qu’un ticket de bus interurbain à Niamey.

Les chiffres clés

  • 5 jours de projections et d’ateliers, du 7 au 11 mai.
  • 10 € la séance standard, 12 € pour l’ouverture, 15 € pour la clôture.
  • 8 nations représentées, du Nigeria au Kenya, en passant par le Cameroun et le Ghana.
  • 3 avant‑premières mondiales, dont La Nuit du 7 juin, drame historique d’1 h 45.

Des décisions qui comptent

  • Un atelier d’écriture de scénario entièrement en ligne sera ouvert aux jeunes auteurs nigériens dès le 15 mai, coanimé par des techniciens de Kano et une maison de production de Niamey.
  • Une caravane itinérante projette deux courts‑métrages du programme « Shorts, Shorts & Shots » dans les alliances françaises de Maradi et Tahoua dès juin.
  • Le réalisateur sud‑africain Adze Ugah a plaidé pour des partenariats directs avec les salles de Zinder afin de contourner les surcoûts d’exportation via l’Europe.

Impact concret dans les quartiers

Au marché Katako, les vendeurs de cartes mémoire préparent déjà des playlists bilingues (haoussa‑français) avec les bandes‑annonces récupérées légalement sur le site du festival. « Les enfants veulent tout voir », explique Aïchatou, coiffeuse à Karadjé : « Ils répètent les répliques de Le Mystère de Waza comme s’ils y étaient ». À Birni‑N’Gaouré, un instituteur a transformé son cours d’arts plastiques en atelier storyboard : les élèves dessinent la scène d’ouverture de The Legend of the Vagabond Queen, replaçant l’action dans leur commune.

Au‑delà de l’écran

Sous la salle principale, un panel financé par des producteurs sénégalais a exposé un problème récurrent : manque de salles climatisées et coupures d’électricité qui freinent la distribution en Afrique de l’Ouest. Les suggestions fusent : projecteurs LED basse consommation, batteries solaires, mutualisation des frais de douane pour le matériel. Le ton reste pratique, loin des discours grandiloquents. « Un film ne sert à rien s’il reste dans un disque dur », tranche une productrice burkinabè, aussitôt applaudie.

Des vies, des voix, des images

  • Les habitants en parlent :
    • « Ça prouve qu’on peut raconter notre vie sans attendre l’aval de qui que ce soit », estime Mariama, couturière de Saguia.
    • « Les petits veulent devenir animateurs 3D depuis qu’ils ont vu le teaser de Le Mystère de Waza », constate Aboubacar, instituteur.
  • L’accès élargi à la culture se confirme :
    • Des kiosques de quartier hébergeront des projections gratuites le soir, alimentées par un projecteur portable et un drap blanc tendu entre deux stands.
    • Les centres de santé de Maradi diffuseront un court‑métrage sur la prévention du paludisme pendant les séances de vaccination, avec l’accord du ministère de la Santé.

Et ensuite ?

Le festival se poursuit jusqu’à dimanche avec, pour la première fois, une séance NollyKids dédiée aux 7‑15 ans et un brunch Afrobeat où le mil et le gingembre, apportés par une coopérative de femmes du Plateau nigérien, côtoient le bissap glacé. Pendant ce temps, la conversation numérique se poursuit entre Paris et Niamey : partages de répliques, de petits extraits, de stickers inspirés des films. Comme l’a lancé la réalisatrice Sarah Kwaji en quittant la salle : « On ne mesure pas un continent en kilomètres ; on le mesure en histoires bien racontées ». Hier soir, le public lui a répondu par deux longues minutes d’applaudissements – preuve qu’entre la Seine et le fleuve Niger, l’essentiel passe encore par la chaleur d’un bon récit.

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