Jeudi soir, au carrefour Yantala, les motos‑taxis ont ralenti d’un coup
Jeudi 8 mai, 19 h 30. Entre deux feux rouges de la route Gaweye, les conducteurs de motos‑taxis coupent brièvement leur moteur. Le mot circule : le prix du Brent vient de glisser à 61,6 $ le baril, son plus bas depuis deux mois . Dans la pénombre des étals, vendeurs et clientes chuchotent déjà : « Si ça chute encore, est‑ce qu’on paiera moins le litre ? » Rien n’a encore changé aux pompes, mais l’information résonne jusque dans les quartiers périphériques.
Un marché mondial qui vacille
Les écrans des traders new‑yorkais ont viré au rouge mercredi, après que Citi a abaissé sa prévision à trois mois à 55 $ par baril, évoquant un possible retour du brut iranien sur le marché . Vendredi matin, un léger rebond se dessine : Brent +0,4 % à 63,07 $ et WTI +0,35 % à 60,12 $ . Mais l’humeur reste fragile : la veille, le même Brent avait dévissé de 3 % avant de reprendre 0,8 % à la clôture, porté par l’espoir de discussions commerciales entre Washington et Pékin .
Pourquoi le baril plonge
Une offre qui gonfle
- L’alliance OPEP+ prévoit d’augmenter la production dès juin, malgré une demande morose .
- Les raffineries tournent pourtant fort : en Asie comme aux États‑Unis, les marges sur le raffinage de brut moyen ont bondi jusqu’à 36 % .
Une demande qui doute
Les cambistes redoutent les effets du bras de fer commercial. Les négociations Trump‑He Lifeng prévues ce samedi en Suisse pourraient apaiser les droits de douane… ou relancer la guerre . Pendant ce temps, la montée du dollar rend chaque baril plus cher pour les acheteurs africains ou asiatiques, freinant l’appétit.
Réactions des grandes places
À Abu Dhabi et Dubaï, les Bourses ont reculé vendredi matin, mais les opérateurs retiennent surtout que le Brent a brièvement repris 1 % vers 64 $ . Les analystes parlent d’un “rebond technique”, tant que l’horizon économique reste couvert par les tarifs américains et la surproduction programmée.
Ce que ça veut dire pour le Niger
Le Niger compte exporter 90 000 barils/jour via le pipeline Agadem–Sèmè d’ici la fin de l’année. Or, chaque dollar perdu entre 70 $ et 60 $ ampute d’environ 1,3 milliard F CFA les recettes attendues, selon un cadre du ministère des Finances contacté hier soir. Les agents des douanes redoutent déjà un budget rectificatif en plein semestre. Pour l’instant, le prix à la pompe reste figé à 499 F CFA à Niamey, Dosso ou Maradi ; la Société nigérienne d’énergie (SONIDEP) attend « des signaux plus nets » avant d’ajuster les tarifs.
« Si le baril tombe, il faut que ça se voie dans nos poches, pas seulement dans les tableaux du gouvernement », proteste Abdoul, chauffeur de taxi collecté.
Ce que vivent les habitants
- Transporteurs : incapables de répercuter une baisse qui n’existe pas encore, ils maintiennent les tarifs interurbains.
- Petits métiers : soudeurs et meuniers espèrent une facture de gasoil plus légère pour relancer les commandes.
Fatimata, vendeuse de charbon au marché Boukoki, s’inquiète plutôt : « On nous a promis que le pétrole allait payer l’école des enfants ; si le prix chute, on n’aura même pas les lampes allumées. »
Les premières mesures envisagées
Le Trésor prépare un ajustement mensuel des hypothèses budgétaires au lieu du trimestre habituel. Un projet de décret vise aussi à accélérer les appels d’offres solaires pour 200 MW afin de réduire l’usage de fuel lourd, coûteux même à bas prix international. Les équipes techniques de la NIGELEC évoquent le redémarrage éventuel des groupes diesel de secours si les importations nigérianes se renchérissent.
Regards depuis la sous‑région
Dans le Golfe, les marchés misent plutôt sur un rebond : « Brent à 70 $ fin juin en cas d’accord commercial », estime un courtier d’Abu Dhabi . À Londres, l’avant‑marché signale toutefois que les positions à terme sur Brent ont perdu 45 000 contrats depuis jeudi, preuve d’une nervosité persistante .
Et maintenant ?
Tant que la Maison‑Blanche et Pékin n’auront pas tranché leurs différends, le baril risque de jouer au yo‑yo entre 60 $ et 65 $. Pour le Niger, l’enjeu immédiat est de protéger le pouvoir d’achat sans sacrifier les chantiers d’infrastructures. Abdoul résume, la main sur son compteur : « Le pétrole baisse à Londres ; moi, j’attends que le prix baisse ici. Sinon, mon moteur continuera de tousser. »e par la chaleur d’un bon récit.
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